Christophe Sempels nous décrit le concept d’entreprise régénérative et les premières étapes...
Christophe Sempels, Directeur Général et de la Recherche-Action de LUMIA, nous décrypte le concept d’entreprise régénérative et les premières étapes.
La responsabilité sociale des entreprises visant à réduire les impacts négatifs des activités humaines n’est plus à la hauteur des enjeux. Nous dépassons aujourd’hui largement le seuil de sécurité de processus régulateurs critiques de l’équilibre du système Terre (les fameuses limites planétaires). Or, faire moins mal la même chose, ce n’est pas bien faire pour autant. Même le net zéro n’est pas satisfaisant : ne plus enlever de briques à un mur largement fragilisé ne lui permet pas de retrouver sa robustesse, il faut au contraire le réparer. C’est sur la base de ces constats que nous proposons aux entreprises un nouveau cap : le régénératif.
Régénérer, c’est aller au-delà de la réduction d’impacts négatifs ou de leur neutralisation pour s’engager vers des impacts positifs nets pour les écosystèmes et la société. Il s'agit de séquestrer plus de carbone que ce que l’entreprise n'en émet, régénérer davantage de biodiversité que celle négativement impactée par l’activité, renaturer et revégétaliser, augmenter les capacitations des parties prenantes, partager avec elle la valeur et leur offrir un revenu décent, améliorer leur santé physique, émotionnelle et sociale, … Ce sont autant d’exemples d’objectifs régénératifs que des pionniers intègrent à leur feuille de route stratégique.
La régénération entend remettre la vie et le vivant au cœur de chaque action et décision. Et de se poser la question : « cette décision va-t-elle dans le sens de plus ou de moins de vie pour les humains et les non-humains ? Permet-elle au vivant d’exprimer son potentiel ? ». En adoptant tel mode d’organisation ou telle pratique managériale, permet-on aux membres de l’équipe de se sentir pleinement vivant et d’exprimer leurs talents singuliers, leur créativité et leur propension naturelle à s’engager et à trouver des solutions aux problèmes qui se posent au quotidien ? En concevant ses produits au départ de tels ou tels composants, va-t-on soutenir la vie dans les écosystèmes et auprès des parties prenantes ? Si ces produits finissent dans l’environnement terrestre ou marin, vont-ils bonifier ou dégrader la vie dans ces écosystèmes ? En fonction de leur qualité (ou absence de qualité) intrinsèque, contribuent-ils ou nuisent-ils à la santé des travailleurs ou des consommateurs ?
Pour atteindre le régénératif, l’entreprise va dans un premier temps chercher à comprendre les impacts qu’elle exerce sur les écosystèmes et sur la société. Quelles sont les limites planétaires impactées négativement par ses activités ? Quelles sont les ressources critiques indispensables à son fonctionnement ? Quels sont les enjeux sociaux propres à l’entreprise et à ses parties prenantes ? Quelle est sa dynamique de performance, soit ce qu’elle a intérêt à mettre en œuvre pour accroître son chiffre d’affaires et/ou sa rentabilité, et qu’induit-elle pour l’environnement et la société ? Et comment sa croissance et son développement agit sur ces impacts négatifs ?
La mise en œuvre opérationnelle de l’économie régénérative sera fonction de la nature de chaque entreprise et de sa relative proximité ou distance avec le vivant. Un viticulteur, par exemple, n’aura pas les mêmes enjeux et leviers d’actions qu’un dirigeant de fonderie ou qu’une entreprise de service numérique. À chaque situation correspond un éventail de portes d’entrée plus ou moins large vers le régénératif.
Dans tous les cas, la bascule vers l’entreprise régénérative requiert de faire évoluer son modèle économique, et donc le plus souvent le référentiel métier de l’entreprise. Un chantier hautement stratégique donc, mais véritablement enthousiasmant et porteur d’espoir pour les générations présentes et futures.